Mémoire de formes et Promesse de mondes

Il fut un temps où mes journées s’articulaient autour de l’étude et de la reconstitution d’espèces disparues exhumées des strates profondes du temps.

J’ai consacré une part importante de ma vie à reconstituer avec précision l’anatomie d’espèces qui ne vivront plus jamais sur Terre. Ce travail exigeant, m’a appris la rigueur de l’observation, la cohérence des formes, les jeux de construction biomécanique, mais aussi et surtout, le développement de l’imagination encadrée par les connaissances du réel. Le paléo-art, lorsqu’il est pratiqué avec sérieux et professionnalisme, n’est pas une simple projection d’images, c’est une réflexion active sur l’évolution, le vivant et sa fragilité. Toutes mes reconstitutions ont été un dialogue muet avec le passé, comme un effort illusoire d’exprimer ce qui n’est plus. Avec cette exigeante discipline, j’ai appris l’humilité, en me confrontant à l’incomplétude des preuves, à la patience qu’imposent l’incertitude et à l’art délicat d’assembler le probable à partir du fragmentaire.

Et puis, chemin faisant, j’ai senti le besoin d’aller vers d’autres horizons. Non par lassitude, ni par rupture, mais plutôt comme on quitte un rivage après en avoir longuement arpenté les contours, le cœur tourné vers d’autres contrées lointaines et quelques planètes inconnues.

Depuis, j’ai troqué les sédiments du passé contre cet énigmatique brouillard qui flotte entre science et fiction. Et, sans jamais abandonner la rigueur, j’ai simplement déplacé le curseur de l’inconnu, ou du moins tenté de le faire, car l’inconnu n’a pas toujours de curseur…

La biologie et la xénobiologie spéculative, le biodesign évolutif et les récits visuels prospectifs nourrissent aujourd’hui ma vie et me comblent d’une joie que je tente de partager au plus grand nombre. Jadis, je recomposais des espèces disparues à partir d’ossements fossiles, à présent je tente d’esquisser de possibles organismes, de probables écosystèmes, des formes de vie singulières qui viendront enrichir mes « Carnets de Voyages Stellaires » et autres souvenirs de terrains.

Ce passage du passé au probable décalé n’est donc pas une désertion, mais une continuité élargie et logique. La sculpture animalière, tout comme le paléo-art, ont été mes socles, mes fondamentaux rudement acquis. Des bases qui m’ont appris à observer le vivant, à écouter les traces, à lire les absences, à faire naître la forme dans l’ombre du doute de mes nuits blanches.

Aujourd’hui, je conserve cette posture. Et le chemin déjà parcouru me mène vers d’autres paysages où l’espace et le temps deviennent des matières à questionner, à imaginer, à sculpter et à faire rêver.

Une sélection de mes travaux en Paléo-Art sont ici

À la lisière du passé et du possible, les formes naissent dans le silence lumineux des écrans. Une main sculpte, l’autre écoute. Chaque pixel devient empreinte, chaque relief une mémoire recomposée. Entre les sédiments du réel et les brumes de mondes encore inexplorés, je façonne ce qui n’est pas. Là où les preuves s’arrêtent, l’imaginaire prend le relais, armé de rigueur et de respect. Ici, je ne cherche pas à recréer, mais à pressentir. À travers le prisme de la matière numérique, j’interroge l’évolution, le vivant, le temps. Mémoire de formes, promesse de mondes. (Photo originale de Philippe Psaïla)